L’histoire du gréement coulissant

Deux des plus grandes avancées dans l’équipement d’aviron « moderne », sont les portants externes (outrigger), d’abord en bois en 1828 et en fer en 1830 et le siège coulissant (d’abord en cuir et en laiton en 1857). Au départ peu fiables, l’amélioration des alliages et le développement des plastiques ont fait que les bris sont devenus rares. L’avènement des associations nationales d’aviron et de la Fédération internationale d’aviron (FISA) a également entraîné des demandes de standardisation des équipements si bien que le matériel a peu évolué pendant près de 100 ans.

 Cependant, la domination de la combinaison siège coulissant/gréement fixe a éclipsé une invention de l’aviron de 1876, quelque chose qui semblait conférer de grands avantages mais qui a mis près d’un siècle à devenir réalisable – pour ensuite « échouer » à cause des règles et non de la fiabilité. C’était le gréement coulissant.

L’objet de cette invention est de fournir des bateaux munis de portants coulissants pour permettre au rameur de garder sa rame plus longtemps dans l’eau lorsqu’il effectue un coup de rame, sans retarder le mouvement du bateau par la récupération, que ce qui est possible lorsque des sièges coulissants ou fixes sont utilisés sans mon amélioration -1876 William Blakeman

Le concept simple derrière le gréement coulissant est que c’est le portant qui se déplace plutôt que le rameur et le siège. Le siège coulissant et le gréement coulissant ont tous deux été inventés dans les années 1870, mais le siège mobile l’a emporté sur le gréement mobile simplement parce qu’il était beaucoup plus robuste et simple à construire avec les matériaux de l’époque.

Avec le gréement coulissant, le poids du corps est presque stationnaire autour du centre de gravité, le bateau ne tangue pas autant de la proue à la poupe, il y a donc moins de résistance de la coque et la vitesse du bateau est augmentée.

Des expériences ont été faites aux Etats-unis dans les années 20, en Angleterre, France et Allemagne dans les années 50, en Australie en 1960, en Allemagne de l’Ouest avec le légendaire entraîneur Karl Adam en 1962 et en Allemagne de l’Est en 1970. Aucun prototype ne semble avoir atteint la compétition et ce n’est qu’en 1980, 96 ans après le brevet de Blakeman, que le premier bateau vraiment réussi a été produit.

Le bateau Empacher à gréement coulissant du Dr Volker Nolte de 1980, exposé au Henley’s River and Rowing Museum. L’assise est formée aux fesses et relevée pour ne pas tomber.

Au cours de sa thèse de doctorat à l’Université de Cologne. Le biomécanicien et entraîneur de champions Volker Nolte dans les années 70 a développé un programme informatique modélisant le comportement d’un bateau d’aviron. Il s’est vite rendu compte que les mouvements du rameur pendant la récupération avaient le plus grand impact sur la vitesse du bateau.

Nolte convaint Empacher de construire un prototype de skiff à montage roulant. L’appareil utilisait des matériaux modernes et un portant en forme d’aile composite. Pour le tester, il s’est engagé dans une course de 1981, à laquelle participaient de nombreux rameurs de l’équipe ouest-allemande. Les résultats ont fait sensation, il terminera à la première place après deux jours de course.

En l’absence d’une définition claire de ce qui constituait un changement suffisamment radical pour justifier une interdiction, la FISA a regardé et attendu, pesant le pour et le contre. Mais très vite, le gréeur coulissant démontre son potentiel.

En utilisant le gréement coulissant de Nolte, Peter-Michael Kolbe, alors en difficulté dans sa carrière sportive a triomphé à Lucerne en un temps record en 1981 et a remporté la finale du championnat du monde en simple à Munich en 1982 (la meilleure place pour un bateau conventionnel dans cette course était la sixième). La même année, tous les finalistes A de la régate internationale Rootsee ont utilisé l’appareil révolutionnaire. Dans de bonnes conditions, il peut valoir au moins 10 secondes sur 2 000 mètres.

En septembre 1983, la FISA a organisé un référendum parmi ses membres constituants et il a été décidé d’interdire les gréeurs de glisse des compétitions internationales, mondiales et olympiques à partir du 1er janvier 1984.

L’interdiction de la FISA aurait été motivée par le fait que les gréements coulissants étaient trop chers pour certaines nations d’aviron et notamment la RDA, jalouse de cette technologie inventée à l’Ouest. Alors que certains disaient qu’avec cette logique, nous serions toujours en train de ramer dans des bateaux à siège fixe sans portants, d’autres soulignaient que, si tout le monde adoptait le dispositif, l’ordre des bateaux gagnants ne changerait pas.

D’aucuns estiment qu’aujourd’hui, avec l’amélioration des matériaux, l’argument du coût contre l’autorisation de tels dispositifs ne s’applique plus. Cependant, la FISA essaie plus que jamais de recruter et de garder des nations afin de préserver l’avenir du sport aux Jeux Olympiques. Tout ce qui rendrait cette tâche plus difficile, comme devoir développer et apprendre de nouvelles techniques a peu de chances de trouver grâce. Il est possible que les équipementiers d’aviron soient les seules personnes qui accueilleraient favorablement la levée de l’interdiction de la FISA.

La dernière finale du Championnat du monde d’aviron en skiff 1982 avec gréments mobiles.